vendredi 22 mai 2009

MARC WATKINS
PRÉSIDENT-FONDATEUR DU COMITÉ POUR LA MODERNISATION DE L'HÔTELLERIE FRANçAISE

Pour des clients d'hôtels et des hôteliers heureux. Le Comité pour la Modernisation de l'Hôtellerie Française, une entité atypique et inédite, qui interpelle les pouvoirs publics, les administrations, les élus et la profession, s'impose depuis près de 3 ans dans le paysage hôtelier français. Si sa communication ne fait pas toujours dans la dentelle, il parvient petit à petit à faire bouger l'hôtellerie pour qu'elle prennent en main son avenir. Son président-fondateur, Mark Watkins, explique sa stratégie et la raison de ce Comité.

La création du Comité pour la Modernisation de l'Hôtellerie Française, n'est-ce pas une drôle d'idée ?
Pour tout vous dire, oui, c’est une drôle d'idée ou plutôt une idée cocasse. Elle est née d'un constat cruel. A force d'entendre toute l'année des clients d'hôtels s'exprimer sur leur déception dans leurs expériences de séjours ou leur colère à l'encontre des hôteliers, mais aussi à force de visiter un grand nombre d'hôtels, j'ai décidé de faire quelque chose. En septembre 2005, j'ai ainsi organisé à compte d'auteur une grande conférence à Paris sur le thème de "l'Hôtellerie française est-elle en péril ?". Il s'agissait de présenter un état des lieux sans complaisance du secteur, tant à partir de ce qu'en disent les clients d'hôtels (mon métier est de les interroger toute l'année), que sur le plan économique et sur la base des résultats d'observations sur le terrain. Le succès de cette conférence a été très important, inattendu même, et les médias se sont emparés du sujet avec force. Puis, plus rien. Le soufflet est retombé. J'avais naïvement cru que les pouvoirs publics et les représentants de la profession allaient prendre le relais et élaborer des dispositions pour que l'hôtellerie française parvienne à se moderniser, retrouve ses clients et redore son image, bien ternie. Il en allait aussi de l'image du tourisme français, évidemment.

Et ensuite ?
Je ne pouvais pas rester sur ce sentiment d'avoir prêché dans le désert, tant le sujet me semblait capital et parce que je voyais que de nombreux hôtels allaient fermer les uns après les autres, faute de moyens économiques. Je ne pouvais pas davantage rester inerte devant les récriminations des clients d'hôtels, trouvant l'hôtellerie française si désolante. Aussi, quelques mois après la première conférence, j'ai fondé le Comité pour la Modernisation de l'Hôtellerie Française, association sans but lucratif et non subventionnée, afin de rester dans l'indépendance la plus complète. Aujourd'hui, plusieurs de nos membres et administrateurs consacrent bénévolement beaucoup de temps et d'énergie à faire avancer les dossiers qui nous semblent importants. Pour ma part, je n'ai rien à gagner à cette cause, il n'y a pas de conflits d'intérêt. Je dirais que quelque part, je sauve mon âme (rires).

Quelle est sa vocation ?
Nous nous sommes donnés pour mission de défendre à la fois les intérêts des 27 millions de clients qui fréquentent les hôtels français, et les intérêts des 26.000 hôteliers classés et non classés. Il y a des professionnels de très grandes qualités en France. Beaucoup font du mieux possible, avec passion, mais ne parviennent plus à rentabiliser leur affaire. Nous voulons les aider en sensibilisant les pouvoirs publics sur ces injustices.

Cela semble contradictoire de soutenir à la fois les hôteliers et leurs clients, non ?
Oui, mais juste à première vue. Car nous ne les mettons pas dos-à-dos. C’est l'inverse. Les uns ont besoin des autres. Avec 1/4 de son offre vétuste ou vieillie, 1/3 à bout de souffle, notre parc hôtelier perd chaque année des clients au profit d'autres formes d'hébergements touristiques qui ont mieux su s'adapter à la demande. Plus largement, notre hôtellerie souffre d'un grand retard de modernité, non pas par rapport à d'autres pays — ce n'est pas le problème, sauf dans le haut de gamme — , mais par rapport à l'habitat, à l'immobilier de bureaux ou encore au design automobile. Bref, les voyageurs ont le plus souvent à leur portée moins bien à l'hôtel que ce qu'ils ont chez eux en termes de confort et d'équipement. Nous voulons, au Comité, que les clients des hôtels retrouvent avec plaisir et bonheur le chemin des hôtels. Nous pensons que des hôteliers heureux ne peuvent l'être que si leurs clients le deviennent, grâce à ce qu'ils feront pour eux. C’est utopique, mais rudement efficace. En somme, nous voulons que le client revienne au cœur des préoccupations de la profession. Beaucoup des hôteliers sont évidemment déjà dans ce cas, mais à en croire les voyageurs que nous interrogeons, ce n'est pas général. Le premier mal de l'hôtellerie est d'avoir oublié ses clients. Et leurs attentes.

Il y aurait donc une déception, un décalage entre ce que les clients d'hôtels attendent et ce qu'ils rencontrent sur place dans les hôtels. Comment expliquez-vous ce décalage ?
Il suffit d'observer comme le niveau d'équipement des ménages dans les pays occidentaux s'est considérablement enrichi depuis ces deux dernières décennies. Le logement est devenu à la fois fonctionnel, ludique et protecteur, la technologie est entrée par toutes les portes, la prise en compte de la santé, voire du développement durable, est patente dans l'habitat,… l'hôtellerie est encore très en recul par rapport à cette prise de conscience collective. Quand les ventes de moquettes s'effondrent dans les magasins spécialisés, les hôteliers continuent à en poser dans leurs chambres. L'explosion des ventes de grands téléviseurs à écran plat n'a pas son pendant du côté des hôteliers, qui proposent encore massivement des petits postes de 31 cm de diamètre, perchés sur une potence. Et les exemples de décalages entre ce qu'attendent légitimement les clients d'hôtels et ce que donnent au concret les hôteliers correspondent à une longue liste, qui n'en finit pas.

Soit, beaucoup de clients d'hôtels se montrent insatisfaits, mais ils continuent à fréquenter les hôtels.
Oui, bien sûr. Mais la plupart n'ont pas d'autre choix, notamment ceux qui voyagent par nécessité, pour leur travail. Mais inverser cette déception serait regagner des clients partis vers d'autres modes d'hébergement, rallonger les durées de séjours, favoriser le bouche-à-oreille, pouvoir vendre au meilleur prix… en somme, retrouver une rentabilité, du plaisir de faire ce travail d'hôtelier, fidéliser ses clients et pérenniser son activité.

Pour vous, la modernisation de l'hôtellerie se tient-elle uniquement à la rénovation et à l'actualisation de ses équipements ?
Bien sûr que non. C’est tout un ensemble. Il faut moderniser les esprits dans la profession, les méthodes de travail, les méthodes de ventes, bref, tout ce qui concoure à permettre au secteur de se renouveler et de se rajeunir. Justement, c'est autour des plus jeunes, qui ne sont plus attirés par ces métiers (ils y viennent mais n'y restent pas), qu'il faut agir. L'avenir de la profession, que je trouve menacé, passe évidemment par les jeunes. Encore faut-il parvenir à les mobiliser, à les intéresser. Plus largement, nous voudrions que les hôteliers retrouvent la fierté de leur métier et le plaisir de transmettre. Un hôtelier heureux parvient à faire passer ce bonheur vers ses collaborateurs et vers ses clients. Cela se retrouve dans la prestation, dans l'ambiance de l'hôtel. Je sais que cela paraît sans doute assez idéaliste, mais c’est ce qui nous manque actuellement dans notre profession : des idéaux, des modèles, qui ne se limitent pas à des décors vus et revus dans des magazines.

Comment êtes-vous accueillis dans et autour de la profession ?
Nous avons surpris tout le monde, à nos débuts. Il faut dire que dans ce que nous avions à dire, nous avions opté pour une communication parfois musclée, via les médias, en mettant les pieds dans le plat et sans langue de bois. C'était le seul moyen pour que nos "alertes" et messages soient audibles. Et ils l'ont été. Les médias nous ont toujours ouvert leurs portes en grand car notre message va dans le sens des consommateurs et donc de leur lectorat. Les politiques nous ont regardé comme une curiosité, sans pour autant trouver nos discours inacceptables. Quant à la profession elle-même, il y a eu de tout comme réactions. Les hôteliers accueillent plutôt avec bienveillance nos propos et certains nous aident avec énergie. Seuls les dirigeants des syndicats hôteliers ont cherché à nous snober, car bien que n'ayant jamais pu contester nos analyses et nos propositions, ils considéraient que nous leur faisions de l'ombre, les mettant devant des sujets qu'ils auraient dû traiter eux-mêmes. Aujourd'hui, hormis quelques esprits chagrins, la situation s'éclaircit et nous entretenons de bonnes relations avec une majorité de personnes et d'organisations, y compris syndicales. Pour autant, la réaction commune reste qu'on ne sait pas comment nous cerner : sommes-nous au final pour ou contre l'hôtellerie ? Nous ne sommes jamais là où l'on nous attend. C’est la base de notre stratégie pour être efficaces : l'indépendance et la liberté de conscience. Mais le plus simple est de lire nos publications pour se rendre compte que nous sommes corps et âmes pour l'avenir et pour le bien de la profession hôtelière.

Qui sont les membres du Comité ?
Sans chercher à recruter, un public très large, voire hétéroclite, est venu naturellement à nous. On y trouve des hôteliers (de toutes catégories et statuts), des chaînes hôtelières volontaires, des investisseurs, des journalistes, des consultants, des formateurs, des CDT, CRT et CCI, des salariés des CHR et même des retraités du secteur. Tous sont là pour soutenir les actions du Comité, voire, selon le temps qu'ils peuvent lui consacrer, travailler dans les chantiers qui l'occupent.

Et quels sont ces chantiers ?
Ils sont nombreux et ont été consignés dans notre Livre Blanc de la Modernisation Hôtelière (accessible sur notre site) : la réforme du classement hôtelier a été notre premier gros chantier. J'ai obtenu par Léon Bertrand, alors Ministre du tourisme, de lancer cette réforme, qui après 2 ans d'élaboration vient d'être publiées par Hervé Novelli. Nous ne sommes pas d'accord sur une majorité des aspects dans le contenu du nouveau classement hôtelier et avons publié deux manifestes pour nous en expliquer. Cela démontre aussi notre indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. D'autres chantiers sont en cours, comme l'hygiène en hôtellerie, l'aide à l'installation des jeunes, le financement d'une grande étude inédite sur les attentes des clientèles hôtelières qui devra être accessible à tout hôtelier, etc. Nous souhaitons également lancer une commission sur l'éthique hôtelière, avec de grands partenaires. Nous éditons des études, dont la dernière porte sur une analyse économique de la petite hôtellerie française de moins de 25 chambres, qui très majoritaire. Notre Livre Blanc, qui présente un état des lieux de l'hôtellerie et nos solutions, a été distribué à tous les députés, sénateurs et présidents de CCI de France.

Quelle est la prochaine étape ?
Hélas ou heureusement, notre tâche n'est pas prête à être achevée. Nous avons le temps pour nous. Nous ne sommes qu'au début d'un long parcours. Si nous n'avons pas le monopole de la modernisation de l'hôtellerie française, nous en sommes un moteur essentiel. Dans le monde de l'hôtellerie, je crois que le mot "modernisation" n'a même jamais été autant prononcé que depuis que nous en parlons nous-même. C’est un bon début.


Comité pour la Modernisation de l'Hôtellerie Française
6, Rue de Jarente - 75004 Paris www.comitemodernisation.org

SERGE TRIGANO
PDG TOWN AND SHELTER

Serge Trigano l'un des papas du Mama Shelter. Après avoir été président du Club Med de 1993 à 1997, vous êtes a présent P-DG de la société Town and Shelter qui est une société de conseil, de gestion et d’expertise en management et en promotion immobilière touristique et fondateur de Serge Trigano & Sons avec vos 2 fils Benjamin et Jeremy. La saga familiale continue et a donné naissance à 3 concepts hôteliers : le Château de Behoust, propriété du groupe des Caisses d’Epargne et le Forges Hôtel appartenant au groupe Partouche. Le dernier né s’appelle Mama Shelter, implanté dans le 20e arrondissement de Paris, il est le fruit d’une collaboration initiée par 5 copains : Serge, Benjamin et Jérémy Trigano, Cyril Aouizerate, un ami commun philosophe et Philippe Starck.

Isabelle Rohmer (C&T) : Comment est-née l’idée du Mama Shelter ?
Serge Trigano : Mon ami Cyril Aouizerate, Philippe Starck, mes 2 fils et moi-même, nous nous sommes rendu compte qu’il manquait quelque chose dans l’hôtellerie urbaine. Il y avait la plus part du temps, d’un côté les palaces hors de prix et de l’autre les grandes chaînes hôtelières. Nous avons réfléchi à quelque chose de différent. Nous voulions simplement proposer un lieu de vie avec des chambres au dessus.

Pourquoi ce nom ?

Mama, c’est bien sûr la mère et Shelter, le refuge. Ce nom symbolise la maman qui nourrit, qui a de l’humour et qui aime la culture et la musique. C’est pourquoi nous proposons une médiathèque en plus du bar et du restaurant. Toutes nos chambres sont d’ailleurs équipées d’I-mac d’Apple.

Y a-t-il des points communs avec l’esprit Club Med ?
Je pense à l’esprit associatif des vacances sous la tente qui était à la genèse du Club et au principe du « low-cost » que vous pratiquez dans ce lieu.
Les valeurs et la force du Club, c’était la gentillesse et le dévouement des GO. L’accueil au Mama Shelter se fonde sur les mêmes principes. On oublie tout, on est accueilli par des gens souriants et décontractés qui nous reçoivent avec chaleur et amour.

Vous projetez d’ouvrir sept résidences urbaines en France d’ici 2012. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous devons signer 2 chantiers à Lyon et Marseille d’ici peu. Ces résidences seront conçues dans le même esprit que le M.S, les chambres auront la même taille que celles du M.S, environ 20 mètres carrés, mais avec un décor différent adapté à la région. Par exemple, à Marseille, nous projetons de construire une piscine. L’idée générale est de faire des lieux dans lesquels les gens se sentent bien.

JEAN-MARC DEVANNE
DIRECTEUR DE L'OFFICE DE TOURISME DE NANTES MÉTROPOLE

Jean-Marc Devanne directeur de l'office de tourisme de Nantes Métropole et ancien président du club "Tourisme en ville" de la Maison France. Vous avez inscrit l’innovation comme un des axes stratégiques de votre secteur. Intégrer le développement durable dans la construction et l’exploitation du bâti est une démarche qui vous tient particulièrement à cœur.

Isabelle Rohmer (C&T) : Quand et comment avez-vous pris conscience de l’importance du développement durable dans l’hôtellerie ?
Jean-Marc Devanne : Nous voulions que Nantes devienne une éco-destination dans le champ du tourisme. Cette prise de conscience date du sommet de Rio en 1992 au cours duquel il a été décidé d’un programme d’action pour le 21 siècle appelé Action 21 (Agenda 21 en anglais). Pour les collectivités, il s’agit de s’engager dans le développement durable et de se montrer responsables d’une gestion plus qualitative des ressources du territoire. Dans notre secteur, cette éco-responsabilité présente un avantage concurrentiel non négligeable par rapport à d’autres collectivités n’ayant pas encore entamé la démarche.

Connaissez-vous le pourcentage d’établissements hôteliers ayant déjà adopté la démarche HQE® en France ?
Je ne connais pas les chiffres exacts, mais la plupart des entreprises ont dors et déjà mis le doigt dans cet engrenage vertueux. Il ne s’agit plus à présent de choisir si l’on est pour ou contre le développement durable, mais de réfléchir à comment l’intégrer aux nouveaux projets. Le groupe Accord a initié des démarches avec une première expérience d’hôtel HQE® en construisant le Novotel Montparnasse 3 étoiles à Paris. L’hôtel La Pérouse à Nantes, 3 étoiles également, annonce sa démarche éco-responsable sur son site avec des initiatives telles qu’un petit-déjeuner « commerce équitable », l’entretien ménager réalisé avec des produits bio ou encore l’arrêt de la clim à l’ouverture des fenêtres, etc…

Si vous deviez convaincre un promoteur ou un directeur d’hôtel de passer à la norme HQE®, quels seraient vos arguments ?
Déjà, il faut savoir qu’il y a une véritable demande de la part des touristes urbains qui constituent une clientèle CSP + et donc très informée et préoccupée par les enjeux environnementaux. Leur niveau de formation fait qu’ils sont exigeants sur la qualité des services, mais également attentifs à un certain impact écologique.

Est-ce que cela coûte plus cher ?
On observe un léger surcoût à la réalisation de 10 à 25 % dû au choix des matériaux et à l’aide de professionnels spécialisés en développement durable. Mais ensuite le coût d’exploitation va s’avérer moindre, car on peut réaliser des économies conséquentes sur les consommations énergétiques. Malgré une mise initiale plus élevée, les économies réalisées au niveau de l’exploitation permettent sur une quinzaine d’années un retour sur investissement équivalent à une construction classique. Par ailleurs, pour l’avenir, c’est un bon pari stratégique, car la valeur de réutilisation et la valeur à la revente d’un établissement en démarche HQE® sera toujours supérieur à un produit n’appliquant pas les principes du développement durable.

Ce label est-il donc un gage de meilleure fréquentation pour les établissements l’ayant adopté ?
Bien sûr, ce n’est pas encore un gage absolu de meilleure fréquentation, mais dans 5 ans, ceux qui auront choisi d’ignorer cette démarche auront à se justifier, et cela risque de ne pas être perçu très positivement.